Jean-Claude Carret, professeur au département de génie de la construction
Passionné de matériaux, d’enrobés bitumineux et d’infrastructures, Jean-Claude Carret considère la chaussée comme un véhicule pouvant contribuer à diminuer notre empreinte environnementale. Voilà un point de vue inusité pour un ingénieur en génie civil, professeur au département de génie de la construction à l’ÉTS. C’est pourtant cet objectif qu’il poursuit dans ses travaux.
Enfant, l’intérêt de Jean-Claude Carret pour la chaussée se résume à faire rouler son camion-citerne sur l’entrée d’asphalte de sa maison en s’imaginant devenir pompier. Sa rencontre avec Hervé Di Benedetto, enseignant à l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE) et chercheur émérite international en matériaux de chaussées, est déterminante. C’est à sa suggestion que Jean-Claude effectue un stage au cours de ses études en ingénierie à l’Université du Minnesota. « Je n’avais jamais entendu parler des matériaux de chaussées. » Cette découverte le passionne au point où il obtient son diplôme d’ingénieur, puis poursuit ses travaux au doctorat sur la caractérisation non destructive des matériaux de chaussées, toujours à l’ENTPE située près de Lyon.
En 2018, doctorat en poche, le jeune ingénieur se rend compte que les perspectives de mettre en œuvre son expertise sont très limitées en France. Hervé Di Benedetto, son directeur de thèse, intervient à nouveau pour lui paver la voie, cette fois, direction Montréal. Jean-Claude Carret réalise son postdoc au département de génie de la construction à l’ÉTS.
« C’était vraiment un milieu dynamique où je voyais beaucoup de possibilités pour me perfectionner et acquérir de l’expérience dans mon domaine. C’était tellement une bonne chose que je ne voulais plus partir. » Il y est toujours, mais comme professeur en génie de la construction. Jean-Claude Carret aimerait contribuer à former la relève de demain. « On a besoin d’avoir des personnes très compétentes et conscientes des problématiques qu’on a aujourd’hui, puis qu’on va avoir dans le futur. »
Prévenir la détérioration
Carret a développé une méthode basée sur la propagation d’ondes permettant d’améliorer l’auscultation non destructive des chaussées. Bien que cette méthode soit encore à l’étape expérimentale, l’ingénieur oriente ses travaux dans le but de pouvoir suivre en temps réel l’état mécanique et physique d’une structure de chaussée in situ. Ainsi, en anticipant les dégradations avant qu’elles ne soient majeures, on optimise la durée de vie des infrastructures, et surtout, on limite les opérations de construction ou de réhabilitation qui contribuent à l’émission de gaz à effet de serre (GES).
Béton ou asphalte, la grande question!
Le béton est-il mieux adapté pour le fort trafic et l’enrobé pour les routes moins passantes? « Ce n’est pas si simple, explique le professeur. Le béton est reconnu comme une option plus durable qui demande moins d’entretien régulier, ce qui convient au trafic intense. Toutefois, l’adhérence est généralement moins bonne et la réparation d’une route en béton est beaucoup plus coûteuse, car elle entraîne souvent le remplacement d’une dalle entière. »
En revanche, si l’enrobé offre un meilleur confort de roulement, il est constitué de bitume, un produit dérivé du pétrole qui requiert d’être chauffé à haute température pour pouvoir se mélanger aux granulats. Ce sont des dépenses énergétiques majeures. Jean-Claude Carret fait partie d’un groupe de chercheurs qui travaillent sur des processus de fabrication basés sur des technologies tièdes et à froid pour la compaction des enrobés.
Alors, béton ou asphalte? Cela dépend énormément du contexte géographique, du type de structure, du flot de circulation et de l’analyse comparative de l’impact environnemental.
Remplacer le bitume par de la lignine
Le pétrole est une énergie fossile en quantité limitée. L’équipe du Laboratoire sur les chaussées et matériaux bitumineux de l’ÉTS explore des solutions plus écologiques, notamment la lignine, un sous-produit du bois. Carret et ses collègues travaillent en collaboration avec un partenaire de l’industrie forestière pour incorporer ce produit dans les matériaux de la chaussée. Cela permettrait de remplacer en partie le bitume et d’utiliser un composant sous-utilisé tout en tentant d’améliorer la performance des enrobés.
Réduire l’empreinte écologique de la construction
Les gens de construction manifestent de plus en plus leur prise de conscience environnementale. Beaucoup de travaux de recherche visent à réduire l’empreinte écologique de l’industrie. Oui, mais a-t-on besoin de tant de chaussées? 90 % des marchandises au Canada transitent par la route. Les humains ont besoin de se déplacer, c’est dans leur nature. L’erreur, c’est de construire les villes autour de l’auto individuelle. « Je pense qu’on doit réfléchir à des façons de diminuer nos déplacements, d’augmenter les transports collectifs et d’opter pour la mobilité partagée. Et les chaussées, c’est l’instrument pour faire ça ». En tout cas, Jean-Claude Carret consacre toutes ses énergies en ce sens.
Il souhaite offrir à ses fils et à la génération future des pistes de solutions pour rouler vert collectivement sur des chaussées intelligentes en bon état, été comme hiver.
Pour en savoir plus :
Laboratoire sur les chaussées et les matériaux bitumineux
Service des communications et du recrutement étudiant (SCRÉ)
514 396-8800, poste 7893